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Bonheur

Définition de « Bonheur »

Bonheur (nom commun)

  1. État satisfaction complète, stable et durable.
    • Tout le monde cherche le bonheur.

Comprendre la notion de « bonheur »

Qu’est ce que le bonheur ?

Le bonheur est un état de satisfaction complète caractérisé par sa stabilité et sa durabilité. Il ne suffit pas de ressentir un bref contentement pour être heureux. Une joie intense n’est pas le bonheur. Un plaisir éphémère non plus. Le bonheur est un état global. L’humain heureux est comblé. Il vit une forme de plénitude. Sa situation est stable : elle présente un équilibre et seul un élément extérieur pourrait la modifier.

En tant qu’optimum de la vie humaine, le bonheur est universellement recherché. On le présente souvent comme le but le plus élevé de l’existence. Celui que tout être humain cherche à atteindre, consciemment ou non.

Être heureux est une expérience individuelle et humaine. C’est l’être humain qui connaît la félicité, pas l’animal. État stable et prolongé dans lequel on vit une insatisfaction totale, le malheur est l’opposé du bonheur. Il représente la situation fuite par chacun, que personne ne recherche volontairement.

La notion de bonheur est intimement liée au désir. Être heureux, ce serait réaliser tous ses désirs, ou du moins réaliser tous ses désirs « importants ». L’être humain heureux accomplit les objectifs qu’il s’est fixé, ceux qui ont une valeur pour lui-même. Le bonheur est donc ancré dans l’individu, dans ses projets et ses représentations.

La conception du bonheur de l’un ne sera pas celle de l’autre. Les utopies politiques qui visent le bonheur de « tous » sont potentiellement dangereuses. Elles risquent d’imposer une vision particulière de ce qu’est le bonheur, d’agir de façon paternaliste, et de produire l’inverse de l’effet recherché.

Un contenu indéterminé

Le « contenu » du bonheur est indéterminé. Il n’y a pas d’accord sur des éléments particuliers et précis qui seraient constitutifs du bonheur. La richesse, la beauté et le pouvoir ne font pas le bonheur. Aucun élément concret ne peut être mis en avant. Croire qu’il faille une Ferrari ou passer à la télé pour être heureux est une illusion.

Lorsqu’il y a un accord sur ce qui rend heureux, il ne porte que sur des éléments vagues, des principes généraux. L’amour, l’amitié, le plaisir sont sûrement des composantes du bonheur. Mais ces éléments sont profondément abstraits. Savoir que l’amitié compte ne me donne pas de bons et vrais amis.

On ignore souvent ce qui peut nous conduire à notre bonheur. Ce qui me permettrait, personnellement, de devenir heureux n’est pas clair pour moi-même. Je peux penser que certaines choses me rendront heureux (un bien matériel, réaliser un projet, etc.), certes. Mais je ne peux jamais savoir certainement que ces éléments feront réellement mon bonheur (actuel ou futur).

Au-delà d’une aspiration commune à être heureux, ce qui produit le bonheur est donc indéterminé.

La recherche du bonheur

On pose en général le bonheur comme la fin suprême de l’existence humaine. Le bonheur serait la fin en-soi vis-à-vis de laquelle tous nos autres buts seraient seconds. Toutes nos actions seraient faites en vue d’être heureux, de façon plus ou moins directe.

Dans cette perspective, sa recherche semble inévitable. Qu’on le veuille ou non, qu’on l’admette ou pas, le bonheur serait impossible à ne pas rechercher. Problème : il n’est pas certain que le bonheur soit atteignable. Ce pourrait bien être un idéal inaccessible, un optimum fantasmé, mais impossible à réaliser.

Deux éléments vont dans le sens de cette conclusion :

  1. Le bonheur est un état dont on est conscient
  2. Le bonheur a un rapport paradoxal au désir

Concernant (1), le problème est que personne ne se dit heureux. L’individu heureux est souvent présenté comme conscient de son état. Il n’est pas heureux « sans le savoir ». Il est heureux et se sait l’être. Or, personne n’affirme avoir atteint le bonheur. Il est facile de mettre en doute ou de contester les affirmations de ceux qui prétendent l’avoir fait. Un contentement total, durable et stable ? Et vous l’auriez atteint ? Vraiment ?

Un paradoxe désir / bonheur

Concernant (2), la recherche du bonheur semble rencontrer un paradoxe. D’un coté, le désir est dit :

  • insatiable, sans fin
  • source de trouble
  • et permanent

De l’autre, on présente le bonheur comme :

  • réalisation de tous les désirs
  • disparition des troubles liés au désir

Ainsi soit l’être humain désire, et il n’est pas heureux, soit il est heureux, et il ne désire plus. Le bonheur va avec l’accomplissement de tous les désirs : c’est un état où l’humain est libéré du désir. Toutefois rien n’assure qu’un tel état soit possible. Faute de voir certains humains cesser de désirer, on peut rejeter le bonheur comme un idéal fictif.

Cette situation conduit certains philosophes à penser différemment la notion. Le bonheur pourrait être la simple absence de trouble (ataraxie). Sans chercher à réaliser ses désirs, on pourrait chercher à ne plus être troublé par eux.

Dans un autre registre, Hobbes propose une vision originale du bonheur. Être heureux, c’est poursuivre sans cesse des désirs tous réalisés (Elements of Law). Le trouble et le bonheur sont alors compatibles.

Mais quelle que soit la solution proposée, on renonce à la définition classique. Le bonheur devient alors, si ce n’est possible, moins paradoxal.

Dépend-il de nous d’être heureux ?

À suivre l’étymologie, le bonheur ne dépend pas de l’être humain. Le bonheur est la bonne fortune, le bon heur. C’est une chance qui arrive à l’individu. Il vient de l’extérieur : il n’est pas produit, construit par le sujet. À ce prix, il ne dépend pas de l’être humain d’être heureux. C’est le bonheur qui nous trouve et pas nous qui le trouvons.

À l’inverse, on considère souvent que l’individu joue un rôle dans son propre bonheur. Le sujet recherche activement son bonheur et tente de le réaliser. Il met en œuvre des moyens en vue de cette fin. Des éléments extérieurs peuvent favoriser ou empêcher ce bonheur, mais ils ne sont pas pensés comme des causes initiales et exclusives. L’individu prend part à la réalisation de sa félicité.

Il semble que chercher le bonheur ne suffise pas à le trouver. D’où l’idée qu’il puisse « ne pas dépendre de nous ». Dans le même temps, certains courants font largement dépendre le bonheur de notre action. En adoptant la bonne façon de vivre et cultivant les bonnes représentations, le sage peut atteindre une forme de félicité.

Bonheur, morale et plaisir

La morale est en lien étroit avec le concept. Nombre de philosophes ont fait de la moralité une condition du bonheur. Être heureux n’est donné qu’à celui qui est d’abord moral. On imagine mal ceux qui acquièrent le bien-être immoralement être « heureux ».

L’idée de bonheur est rattachée à une forme de quiétude qui semble incompatible avec l’immoralité. Vivre dans la peur du gendarme ou de la réprobation, c’est vivre inquiet, forcément non-heureux. Le bonheur supposerait alors une évaluation positive des causes de sa situation.

On imagine mal le bonheur sans plaisir. Toutefois le plaisir n’est pas le bonheur. C’est un sentiment momentané, éphémère. Il renvoie au « bon ». Le bonheur lui renvoie au « bien ». On peut tirer du plaisir d’une chose immorale, mais pas du bonheur. Il y a dans le concept une dimension d’accomplissement moral.


Sources utilisées

  • Bonheur, Dictionnaire de philosophie, Noëlla Baraquin, Armand-Colin, 2007
  • Bonheur, Dictionnaire de philosophie, Christian Godin, Fayard, 2004
  • Bonheur, Dictionnaire des concepts philosophiques, Michel Blay, Larousse-CNRS, 2007
  • Bonheur, Lexique de philosophie, Olivier Dekens, Ellipses, 2002
  • Bonheur, Nouveau vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, Louis-Marie Morfaux, Jean Lefranc, Armand-Colin, 2005
  • Bonheur, Philosophie de A à Z, Collectif, Hatier, 2000

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