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Démocratie

Définition de « Démocratie »

Démocratie (nom commun)

  1. (Sens strict) Régime politique ou le peuple est souverain.
    • Sous la 5e république, la France est une démocratie.
  2. (Sens courant, vague) Régime politique idéal ou idéalisé, valeur légitimante.
    • La 5e république est un régime autoritaire déguisé, pas une démocratie.

Qu’est-ce que la démocratie ?

L’usage du mot démocratie

Le mot démocratie est partout. Le mot est tellement utilisé qu’il est difficile de lui trouver un sens unifié. Certains États se prétendent « démocratiques ». Il est rare que toute la population soit d’accord là dessus. On accuse parfois des « démocraties » de ne pas agir… démocratiquement. On dit souvent que ces pays ne méritent pas leur appellation de « démocratie ».

Le mot démocratie n’a pas de sens univoque. Sa signification n’est pas claire. Le mot est surchargé de connotations. Il est couramment instrumentalisé. On parle de démocratie pour légitimer son action, ou à l’inverse pour délégitimer ses adversaires. L’usage polémique du mot est constante.

Affirmer « Sous [choisir son président préféré], la France n’était plus une démocratie » a un sens. En même temps, il est très étrange de dire cela. Jusqu’à preuve du contraire, le président est élu. Il est dépositaire de la souveraineté que lui a confié le peuple. La démocratie n’a pas disparue. Et pourtant…

La « démocratie » ne désigne pas un régime particulier ou une forme de gouvernement donnée. Dire que la démocratie représente le « régime politique idéal, indépendamment de ses caractères précis » n’est pas totalement erroné.

Au sens courant, le mot est très difficile à délimiter. L’écart se creuse entre :

  • la démocratie grecque historique, qui sert de modèle à la définition de « démocratie »
  • la démocratie définie théoriquement, qui correspond au sens (1) précédent
  • les régimes contemporains dits démocratiques (ex: USA, France, Canada)
  • la démocratie comme idéal ou valeur, qui peut s’écarter de la définition théorique

Pourtant, les dictionnaires de philosophie admettent unanimement un seul sens à « démocratie ». Selon eux, la démocratie est uniquement la démocratie au sens théorique. Il n’y a pas de sens distinct pour désigner les États démocratiques, ni pour désigner la démocratie comme idéal.

Le Dictionnaire des concepts philosophiques note toutefois deux sens pour « démocratie ». Le sens classique et le suivant, qui n’est pas une vraie définition :

La signification actuelle ne saurait se réduire à la désignation d’institutions spécifiques, le terme étant employé dans les champs les plus divers, le plus souvent à titre de légitimation de pratiques ou d’institutions.

À la suite des dictionnaires, je n’éclate trop pas le sens de « démocratie ». Toutefois il me semble crucial de reconnaître au moins deux sens au mot. Le sens théorique central en philosophie, et celui vague, flou et incertain qui est notre pain quotidien.

La définition théorique

Au sens (1), la démocratie est le régime politique où le peuple est souverain. En démocratie, le souverain n’est pas un homme seul. Ce n’est pas non plus Dieu. Le souverain est le peuple, l’ensemble des citoyens. C’est au peuple qu’appartient le pouvoir politique. C’est de lui que vient la légitimité.

La démocratie ne suppose pas que tous les résidents d’un territoire soient citoyens. Au Ve siècle, la démocratie athénienne excluait les étrangers et les femmes des citoyens. Appartenir au corps politique supposait de remplir certaines conditions précises. Tous les athéniens n’appartenaient pas au peuple souverain.

On distingue la démocratie directe et représentative. En démocratie directe, le peuple se réunit et décide par lui-même. En démocratie représentative, le peuple délègue son pouvoir à d’autres, qui agissent en son nom.

Un peuple trop important rend la démocratie directe difficilement praticable. Il est presque inéluctable d’adopter une démocratie représentative. Toutefois « représentation » n’implique pas élection ou parlement.

Une démocratie représentative peut choisir ses représentants par tirage au sort, sans élection. Elle peut n’avoir qu’un seul représentant du peuple. La démocratie représentative n’a pas forcément la forme qu’on imagine aujourd’hui, avec des élections et un parlement.

La démocratie est un régime qui insiste sur l’égalité des citoyens. Les citoyens sont égaux, car ils ont initialement les mêmes droits et les mêmes opportunités. Chaque citoyen peut participer à la vie politique et se voir confier des responsabilités. Il n’y a pas de discrimination initiale, notamment liée à la naissance (noblesse).

L’égalité démocratique est une égalité politique. Il existe bien sûr des inégalités entre les citoyens. Certains sont plus riches, plus habiles, plus influents, mieux entourés. Mais quelles que soient les inégalités existantes, ils sont politiquement égaux.

La démocratie accorde aussi une importance à la liberté. Toutefois la démocratie ne suffit pas à garantir la liberté des individus. Le peuple souverain peut très bien opprimer une partie de lui-même. Le peuple comme totalité peut s’en prendre à des minorités.

On parle de démocratie libérale pour désigner celle qui protège les droits fondamentaux des individus. Une telle démocratie intègre les apports du libéralisme politique, d’où son nom. On peut la distinguer d’une démocratie « absolue », où rien n’arrête le pouvoir du peuple souverain.

Les régimes démocratiques

Les régimes dit démocratiques sont généralement des démocraties libérales. Leur rapport à la définition précédente de la démocratie n’est pas toujours clair ; et ils sont rarement fidèles à la démocratie comme idéal. Selon Raymond Aron, tenter de penser les régimes démocratiques à partir de la définition classique est vain. Le sens (1) plus haut ne permet pas de comprendre les « démocraties » dans lesquelles certains vivent.

Aron propose une définition alternative des « démocraties ». Est démocratique « le régime où l’accès au pouvoir est mis en concurrence pacifique » (Introduction à la philosophie politique, p. 36 sq). On pense alors la démocratie par rapport à son fonctionnement concret, et non plus par rapport aux principes qu’elle revendique.

Séparer les régimes démocratiques des principes qu’ils revendiquent peut être éclairant. Appeler à « plus de démocratie » au sein d’un régime démocratique a alors un sens. On demande une plus grande application des principes démocratiques.

Ces principes sont parfois distincts de la définition stricte de la « démocratie ». L’idée de liberté individuelle n’est pas incluse dans celle de démocratie. Pourtant la valeur de « démocratie » est souvent reliée à celle de liberté. Penser la démocratie comme « régime politique qui favorise la liberté individuelle » n’est donc pas incongru.


Sources utilisées

  • Démocratie, Dictionnaire de philosophie, Noëlla Baraquin, Armand-Colin, 2007
  • Démocratie, Dictionnaire de philosophie, Christian Godin, Fayard, 2004
  • Démocratie, Dictionnaire des concepts philosophiques, Michel Blay, Larousse-CNRS, 2007
  • Démocratie, Lexique de philosophie, Olivier Dekens, Ellipses, 2002
  • Démocratie, Nouveau vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, Louis-Marie Morfaux, Jean Lefranc, Armand-Colin, 2005
  • Démocratie, Philosophie de A à Z, Collectif, Hatier, 2000

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