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Norme

Définition de « Norme »

Norme (nom commun)

  1. Critère ou principe auquel on se réfère pour juger et agir.
    • Les lois d’un pays sont des normes.
  2. (Statistique) État régulier, comportement usuel qui correspond à la plupart des cas. Synonyme : moyenne.
  3. (Courant, subjectif) Conforme aux attentes, aux habitudes.
    • Vouloir des trucs gratuits, c’est la norme.
  4. (Technique) Règle qui fixe les conditions de réalisation d’un objet.
    • AFNOR SPEC 2201 est une norme qui définit comme écoconcevoir un site web.

Du latin norma, depuis le grec gnomon, équerre, règle.

Aux sens (1) et (4), « norme » est dénombrable : on parle d’une norme et on peut compter les différentes normes. Aux sens (2) et surtout (3), c’est beaucoup moins clair : on parle souvent de la norme (« être dans la norme », « être la norme », etc.).


Comprendre la notion de « norme »

1. Critère qui règle une conduite

Au sens (1), la norme est un critère ou un principe qui règle une conduite ou une action. On appelle « norme » tout comportement, état, ou type qui peut être pris pour référence, qui est apte à orienter une action.

Une norme s’apparente à un modèle idéal ou un archétype : elle définit ce qui « doit être », pas ce qui est déjà. Une norme exprime la bonne façon de faire, celle qui devrait être suivie. Par exemple, la formule « Tu ne tueras pas » exprime une norme.

Il existe de nombreuses normes qui peuvent être complémentaires, en concurrence ou en opposition. Ce qu’elles prescrivent ou qu’elles interdisent varie largement. Les débats sur le contenu des normes et les normes adéquates sont nombreux.

Différence avec règle, modèle et coutume

Les règles, les modèles et les coutumes ont un aspect normatif, mais on peut distinguer chacune de ces trois notions du concept de norme en général.

Une règle est généralement explicite, construite et produit de l’ordre. À l’inverse une norme peut être implicite (ne pas arriver les mains vides quand on est invité) ou apparaître spontanément (tout le monde « fait comme ça », sans que ça été décidé à un moment).

Un modèle n’est pas un outil pour orienter l’action. C’est d’abord quelque chose qu’on imite. Imiter un modèle (qui peut être bon ou mauvais) n’est pas la même chose que suivre une règle ou qu’obéir à une norme.

Une coutume peut être une norme, à la fois au sens (1) dont on parle ici, et au sens (2) qu’on va aborder dans la prochaine section. Mais la coutume s’inscrit dans un temps long, alors qu’une norme peut être très passagère (un effet de mode de quelques semaines par exemple).

2. État régulier, comportement usuel

Au sens (2), la norme est un état régulier, un comportement usuel qui correspond à la plupart des cas. La norme est quelque chose de factuel, qui n’est pas connu d’emblée : il faut étudier ce qui se passe et faire des statistiques pour savoir ce qui est la norme. Ici on fait appel à un sens descriptif du mot « norme ».

Il est très facile de se tromper sur ce qui est une norme au sens (2). On peut croire à tort que quelque chose d’assez rare est la norme (non, tout le monde ne connaît pas Billie Eilish) ou à l’inverse penser qu’une chose très courante est hors de la norme (la disparition d’espèces naturelles).

Une norme (2) est relative au temps et au lieu : les normes ne sont pas les mêmes selon les cultures ou les époques. Au sein d’une même culture et d’une même époque, les normes diffèrent selon les communautés, les milieux sociaux, ou encore les professions. Une norme peut se maintenir au cours du temps en présentant des évolutions, ou s’étendre à différents endroits en s’y adaptant (évolution d’une espèce, comportements alimentaires).

La norme en tant que principe qui oriente l’action (sens 1) peut ou non coïncider avec la norme en tant qu’état de fait le plus courant (sens 2). En morale par exemple, une norme courante interdit de tuer les humains. Et de fait, la plupart des gens n’ont jamais tué personne. Dans ce cas, la norme qui décrit ce qui est et la norme qui dit ce qui doit être coïncident.

À l’inverse, il existe des normes sensées orienter l’action (sens 1) qui ne sont pas respectées et n’orientent pas l’action de la plupart des gens. La norme (sens 2) c’est d’agir autrement que ce qui est préconisé. Les lois sur les données personnelles par exemple : l’immense majorité des gens les ignorent, tentent de les contourner, ou n’essaient même pas de les suivre.

On note qu’en sciences du vivant, la différence entre norme au sens (1) et norme au sens (2) apparaît plus floue. On définit ce qui doit être la norme pour telle ou telle espèce à partir de ce qu’on constate étudiant les populations de cette espèce. On détermine donc la norme comme archétype (comme idéal) à partir de la norme statistique, de ce qu’on constate dans les faits.

3. Conforme aux attentes

Au sens (3), la norme est ce à quoi on s’attend, qui est conforme aux habitudes, aux prévisions, voire aux préjugés. C’est un sens subjectif : il renvoie à la façon dont une personne (un sujet) appréhende une réalité. Des personnes avec des attentes différentes ne verront pas la norme au même endroit.

Cet usage de « norme » est différent du sens (2) précédent. Les attentes subjectives peuvent se construire par rapport à ce qui est régulièrement constaté par une personne. Mais l’expérience qui constitue ces attentes n’est pas forcément représentative : ce n’est pas parce que c’est habituel « à mon niveau » que c’est une moyenne statistique – une norme au sens (2) vu plus haut.

Une personne qui travaille les métiers du web peut avoir l’impression que « tout le monde » est à l’aise avec le numérique. C’est pourtant largement faux dans la plupart des pays. Ce qui est conforme aux attentes de cette personne ne correspond pas à la réalité du terrain.

Par ailleurs, les attentes peuvent se construire par rapport à d’autres éléments que l’expérience passée. Une entrepreneuse qui ouvre un magasin va faire des prévisions de ventes, elle va modéliser les futurs revenus de son commerce. Si tout se passe bien, elle pourra dire que c’est « normal » : conforme à ses prévisions.

4. Ce qui fixe les conditions de réalisation

Au sens (4), une norme est une règle qui fixe les conditions d’exécution d’un objet ou d’une pratique, qui précise les modalités d’élaboration de quelque chose. Établir une norme permet d’unifier un produit ou un comportement (souvent pour des raisons pragmatiques). Il s’agit du sens technique du mot « norme ».

Les règles de construction du bâtiment ou les labels de qualité (bio, équitable, etc.) sont des normes qui assurent qu’un objet est conforme à des attentes déterminées. Elles facilitent l’usage et la production de l’objet. Sans normes de construction, les constructions seraient moins sûres (risque d’effondrement, d’inondation, etc.)… Mais elles seraient aussi plus difficiles à réaliser (la standardisation des prises électriques simplifie le travail des métiers du bâtiment). Cet usage de (4) n’apparaît toutefois pas fortement distinct de l’usage (1).


Sources utilisées

  • Norme, Dictionnaire de philosophie, Noëlla Baraquin, Armand-Colin, 2007
  • Norme, Dictionnaire de philosophie, Christian Godin, Fayard, 2004
  • Norme, Nouveau vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, Louis-Marie Morfaux, Jean Lefranc, Armand-Colin, 2005
  • Norme, Philosophie de A à Z, Collectif, Hatier, 2000

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