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Faire une ouverture (ou pas)

Qu’est-ce que l’ouverture en dissertation de philo ? Est-ce obligatoire ? Comment peut-on apprendre à « ouvrir » ? Et quels sont ses dangers de cette étape ? On fait le point sur l’ouverture et ses limites.

Panneau de signalisation indiquant une impasse.
Impasse par Frédéric Bisson (CC-BY)

Qu’est-ce qu’une ouverture de dissertation ?

L’ouverture est une dernière partie facultative de la conclusion. Elle intervient une fois que vous avez rappelé la problématique, résumé votre plan, et énoncé votre réponse finale au problème qui vous était posé. Une fois ces 3 étapes terminées, certaines méthodes suggèrent « d’ouvrir », ou « d’élargir » (on présente parfois l’ouverture comme un « élargissement »).

L’ouverture relance la réflexion. Elle montre « dans quelles directions possibles » on pourrait poursuivre la réflexion[1]. Elle pose une question « qui s’inscrit dans la continuité logique de ce que vous avez fait »[2]. Elle part de votre conclusion pour aller plus loin, vers des questions qui n’avaient pas leur place dans votre dissertation mais qui pourraient être intéressantes. Ou même servir de problématique à une nouvelle dissertation[3].

Beaucoup de méthodologies insistent sur la difficulté de l’ouverture, sur son caractère risqué (pour l’élève), et sur son caractère facultatif. Réussir une ouverture suppose de très bien maîtriser la dissertation. Une ouverture mal faite peut saborder une copie et mettant en lumière ses pires défauts.

C’est pourquoi même les méthodologies qui accordent du crédit à l’ouverture la présentent comme facultative. On peut élargir, il est possible d’ouvrir, mais ça n’est jamais obligatoire. Le Bulletin Officiel sur l’épreuve du bac philo va d’ailleurs dans ce sens (je souligne) :

L’évaluation de la copie du candidat est globale. […] Aucune méthode, aucun plan ne sont imposés ni interdits au candidat, dès lors qu’il effectue l’exercice demandé en manifestant les aptitudes requises.

Ce qui ne va pas avec l’idée d’ouverture

Problème : il n’y a pas de méthode qu’on pourrait apprendre pour réussir l’ouverture. L’évaluation de l’ouverture est complètement arbitraire : elle dépend du bon vouloir du correcteur. Il n’y a pas de « méthode de l’ouverture ». Pire, élargir va contre la logique de la dissertation : c’est inutile et dangereux.

Inutile

L’objectif d’une conclusion est de conclure, de clore la réflexion. Il est donc normal que la conclusion rappelle le problème, résume le raisonnement, et exprime clairement votre solution à la problématique. Mais pourquoi aller plus loin ?

L’ouverture intervient à la fin de la dissertation, à un moment où vous devriez déjà avoir dit tout ce qui était important. Elle va à l’encontre de l’objectif de la conclusion, et propose de continuer à réfléchir hors du cadre du sujet et de la dissertation. Louable, mais inutile pour l’exercice.

Dangereux

L’ouverture est l’ultime moment pour écrire n’importe quoi. Ce risque est d’autant plus fort que le sujet n’est plus là pour vous cadrer. “Ouvrir”, “élargir” : oui, mais pour parler de quoi ? Personne ne peut l’expliquer. La réponse dépend de la problématique, de votre raisonnement, de vos connaissances… et de celles de votre correcteur.

Vouloir “élargir” met face à une alternative néfaste :

  • Ou bien ce dont on parle a un rapport étroit avec le sujet… et il fallait en parler avant
  • Ou bien ça n’a pas de lien avec le sujet… et on ne voit pas pourquoi en parler

Dans le premier cas, on dévalue sa copie. On montre qu’on a bien vu certains thèmes et problèmes… mais qu’on n’a pas compris qu’ils étaient importants… et qu’on a oublié de les traiter pendant le développement.

Cela peut aller jusqu’à mentionner la problématique qu’il fallait travailler dans la dissert… en la proposant comme réflexion d’ouverture. On signale alors clairement au correcteur qu’on n’a rien compris, et qu’on a complètement raté le sujet.

Arbitraire

Le contenu de l’ouverture est libre : il est détaché de la plupart des contraintes qui évitent le hors-sujet. On part de sa dissertation pour aller “plus loin”. Le contenu de l’élargissement est donc intimement lié à ce que vous avez dit.

C’est pourquoi les méthodologies qui prônent l’ouverture sont souvent vagues et peu détaillées sur ce que vous devriez y mettre. Pour vous expliquer “quoi dire”, il faudrait avoir une dissertation sous la main, déjà réalisée, et qui servirait de point de départ pour trouver “quoi dire en ouverture”.

Le contenu de l’ouverture est donc arbitraire et désolidarisé de règles méthodologiques fortes. Alors qu’on peut énumérer les étapes d’une intro, d’une conclusion, d’un paragraphe, rien ne permet de disséquer la structure d’une ouverture. Elle ne peut donc pas être évaluée de façon objective, au regard d’une série de critères partagés et (globalement) reconnus par l’ensemble des correcteurs.

Autres critiques de l’ouverture

Plusieurs autres méthodologies mettent en garde contre l’ouverture ou la déconseillent franchement. Elles ne sont pas aussi véhémentes que Dicophilo, mais elles se rejoignent pour dire que l’ouverture n’est ni une évidence, ni une étape obligée.

Copiedouble.com :

Dans une copie de bac, nous vous déconseillons de chercher à faire une “ouverture”. Soignez bien la conclusion – bilan. Ce sera très satisfaisant. [4]

Cédric Eyssette (n’exclut pas l’ouverture, mais indique ses dangers) :

Ce n’est pas la peine de faire une “ouverture” à proprement parler, mais vous pouvez indiquer un point sur lequel votre analyse mériterait d’être approfondie. Attention cependant, l’ouverture doit être une simple nuance […] : il ne faut pas poser une question qui remette totalement en question votre réponse finale… [5]

Blog « Bac philo » de L’Étudiant :

Ce qu’il faut éviter […]
L’ouverture : c’est là encore inutile de proposer une ouverture dans la conclusion d’une dissertation de philosophie. Le plus souvent c’est maladroit et artificiel […]. En dissertation il s’agit de répondre à la question posée et non pas d’agiter des idées. [6]

Wikilivres :

Évitez les ouvertures en fin de conclusion. Ces ouvertures sont trop souvent des pièges où l’on tombe dans des généralités qui affaiblissent la qualité de la conclusion. De plus, par définition, une conclusion doit clore votre traitement du sujet […], votre travail est terminé. Pourquoi faudrait-il ajouter quelque chose ? [3]

Mais je DOIS faire une ouverture !

Certains professeurs conseillent leurs élèves à faire des ouvertures. Si c’est votre cas, rappelez-vous : aux examens officiels type Bac, ce n’est pas votre professeur qui vous corrige. Préparez-vous pour l’examen final, et ne perdez pas de temps avec l’ouverture.

Si votre enseignant vous oblige à ouvrir, c’est autre chose. Mais avant de bricoler maladroitement une ouverture, vérifiez que vous avez bien compris. Demandez à votre prof si c’est bien obligatoire à ses yeux, et dites-lui que vous avez croisé des méthodes qui disent l’inverse. Tout ça n’est peut-être qu’un malentendu.

Notes

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