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Expliquer un texte en philo : 5 conseils de base

Comment lire un texte de philosophie pour réussir son explication de texte ? Ce article donne 5 astuces de base et les illustre par un exemple concret tombé au Bac. Une infographie récapitulative figure aussi en fin de page.

On va reprendre ces conseils et les appliquer à un sujet concret. Pour cela, on utilisera un extrait de Descartes tombé au Bac L. Le texte du sujet est disponible dans le lien précédent et reproduit ci-dessous.

Lire le paratexte

Le paratexte contient des informations utiles pour comprendre l’extrait : auteur ou autrice, titre de l’œuvre, date (pas tout le temps). Il cadre la lecture et situe le texte dans une époque, un univers intellectuel et parfois au sein même d’un ouvrage.

Ci-dessous, il indique qu’on a affaire à une correspondance entre Descartes et Élisabeth. Même sans rien savoir sur René Descartes, on comprend qu’il s’agit d’une correspondance privée, probablement non publiée du vivant de l’auteur. On devine aussi qu’il s’agit d’un écrit court : ce n’est pas un « traité » ou un « manifeste » qui pourrait être très long.

Si on connaît bien l’œuvre de Descartes, on remarque que le texte postérieur à ses écrits majeurs. Il date de 1645, soit 8 ans après le Discours de la méthode (1637) et 4 ans après les Méditations métaphysiques (1641). On peut éventuellement savoir que sa correspondante est la princesse Élisabeth de Bohême.

Texte d'un sujet du Bac 2013 série L. Voir description étendue.
Figure 1.

3ème sujet : Expliquez le texte suivant :

Bien que chacun de nous soit une personne séparée des autres, et dont, par conséquent, les intérêts sont en quelque façon distincts de ceux du reste du monde, on doit toutefois penser qu’on ne saurait subsister seul, et qu’on est, en effet, l’une des parties de l’univers, et plus particulièrement encore l’une des parties de cette terre, l’une des parties de cet Etat, de cette société, de cette famille, à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance. Et il faut toujours préférer les intérêts du tout, dont on est partie, à ceux de sa personne en particulier ; toutefois avec mesure et discrétion[1], car on aurait tort de s’exposer à un grand mal, pour procurer seulement un petit bien à ses parents ou à son pays ; et si un homme vaut plus, lui seul, que tout le reste de sa ville, il n’aurait pas raison de se vouloir perdre pour la sauver. Mais si on rapportait tout à soi-même, on ne craindrait pas de nuire beaucoup aux autres hommes, lorsqu’on croirait en retirer quelque petite commodité, et on n’aurait aucune vraie amitié, ni aucune fidélité, ni généralement aucune vertu ; au lieu qu’en se considérant comme une partie du public, on prend plaisir à faire du bien à tout le monde, et même on ne craint pas d’exposer sa vie pour le service d’autrui, lorsque l’occasion s’en présente. »

DESCARTES, Lettre à Élisabeth, 1645.

[1] discernement

La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.


Chercher les paragraphes et les phrases

Les textes philosophiques sont construits : on y trouve des unités qui s’articulent entre elles, comme des paragraphes ou des phrases. Chercher ces unités ne « donne » pas le plan, mais permet d’avoir un indice sur la structure de l’extrait.

Comptez ces unités. Combien y a-t-il de paragraphes ? de phrases ? de parties de phrase (s’il n’y a linguistiquesqu’une seule phrase dans l’extrait) ? Les grandes parties du texte vont suivre ces unités : on ne commence par une nouvelle étape de sa réflexion en plein milieu d’une phrase, entre un verbe et son complément.

Ci-dessous, on a séparé visuellement les différentes phrases (voir Figure 2). Cela fait apparaître 3 unités : les 3 seules phrases du texte. Elles sont longues, complexes, mais il n’y a que trois. Il est donc peu probable qu’il y ait 4 parties dans l’extrait.

Même texte, sans le paratexte. Les phrases ont été séparées par une ligne vide.
Figure 2.

Identifier les connexions logiques

Le texte à commenter possède des articulations logiques : elles relient les parties entre elles, ou construisent la structure interne des parties. Il faut donc chercher :

  • les connecteurs logiques (et, ou, si, par conséquent, alors, donc, or, car…)
  • ce qui nuance (mais, cependant, toutefois, néanmoins, bien que…)
  • les modalisateurs (verbes au conditionnel, adverbes).

Les voici en gras pour la 1re phrase de notre sujet :

BIEN QUE chacun de nous soit une personne séparée des autres, et dont, par conséquent, les intérêts sont en quelque façon distincts de ceux du reste du monde, on doit toutefois penser qu’on ne saurait subsister seul, ET QU’ON est, en effet, l’une des parties de l’univers, et plus particulièrement encore l’une des parties de cette terre, l’une des parties de cet État, de cette société, de cette famille, à laquelle on est joint par sa demeure, par son serment, par sa naissance

Une fois ces mots-clés trouvés, il faut réfléchir à leur importance dans le texte. Certaines articulations sont plus centrales que d’autres. Tous les connecteurs n’ont pas le même poids argumentatif.

Ici, les connecteurs « bien que » et « et qu’on » (mis en gras et majuscules) structurent plus fortement le texte que tous les autres. À l’opposé, le « toutefois » et le « en effet » changent peu le sens du propos et pourraient à la rigueur être supprimés.

Trouver les propositions principales

La proposition principale d’une phrase est celle qu’on ne peut pas supprimer. Si on l’enlève, la phrase n’a plus aucun sens et n’est plus correcte syntaxiquement. C’est elle qui exprime l’objet central de la phrase, ce dont elle parle. Les textes philosophiques étant souvent longs et complexes, on ne trouve pas toujours la principale immédiatement.

Ci-dessous, deux images de la première phrase de notre exemple. Sur la figure 3, on a conservé la phrase intégrale. Sur la figure 4, on a noirci tout ce qui n’appartenait pas à la proposition principale. Presque tout est noirci, mais le message qui reste est plus facile à saisir.

Phrase intégrale.
Figure 3.
On doit [...] penser qu'on ne saurait subsister seul, et qu'on est [...] l'une des parties de l'univers.
Figure 4.

Les meilleur·es en français d’entre vous ont noté qu’il y a en fait 3 propositions. La proposition principale stricto sensu est juste « on doit penser ». Mais pour notre analyse on a gardé 2 subordonnées : « qu’on ne saurait subsister seul », « et qu’on est l’une des parties de l’univers ».

Le message de Descartes ne semble pas uniquement exprimé par la principale au sens linguistique. Si on reformulait le texte, on pourrait dire : « On ne saurait subsister seul et on est une partie de l’univers« . Ces 2 éléments sont cruciaux, même s’ils ne figurent pas dans la proposition principale au sens purement linguistique.

Lister les difficultés

Enfin, listez les mots que vous ne comprenez pas et les passages qui vous posent problème. Vous allez devoir surmonter ces difficultés pour réussir votre explication. Notez les pour garder à l’esprit ce qui vous reste à comprendre dans l’extrait !


Infographie récapitulative

Expliquer un texte en philo : 5 astuces de base pour lire l’extrait (et le comprendre).

Image décorative, tout est dans le texte.

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