Définition de « Artiste »
Artiste (nom commun)
- Individu qui produit des œuvres d’art.
- Alice Guy, Norma Tanega ou SMITH sont des artistes.
Qu’est-ce qu’un ou une « artiste » ?
Une définition en suspens
L’artiste fait de l’art, c’est celui qui produit des œuvres. Et après ? La définition du mot « artiste » est rendue difficile par l’indétermination du concept d’art. On ne sait pas trop ce qu’est l’art et pourquoi on dit « art » telle ou telle chose.
Décider de qui est artiste et pourquoi devient rapidement problématique. Est-on artiste parce qu’on produit de l’art ? Ou l’art est-il ce qui est produit par un artiste ? Les deux perspectives se défendent, mais la définition circulaire n’est pas loin.
On présente en général comme « artistes » des professionnels de la production d’œuvres. Est artiste celui dont l’activité principale et source de revenu est la production d’art. Les artistes qui pratiquent un art unique sont généralement désignés par un terme spécifique. Un artiste musicien est d’abord présenté comme guitariste, bassiste, etc. On parle de peintres, de photographes, de sculpteurs, etc.
C’est seulement lorsque les contributions s’étendent à plusieurs domaines qu’on parle d’artiste. Salvador Dali est artiste : peintre, sculpteur, écrivain, tout ça ne suffit pas à décrire son activité.
On utilise aussi « artiste » lorsque le domaine d’exercice de l’art n’est pas évident. Invader, qui colle des mosaïques en forme de personnages pixelisés dans les villes, est un artiste. Un street artist précisément. Là encore le mot « artiste » est prégnant dans sa dénomination.
Un terme ambivalent
« Artiste » a une connotation ambivalente. Le mot est ainsi utilisé dans des contextes opposés :
- intention laudative : on valorise la personne désignée
- intention dépréciative : on critique la personne
Désigner comme « artiste » peut être positif. Dire qu’un comédien est un artiste est mélioratif : on joue sur la connotation de « artiste » pour indiquer que l’individu n’est pas seulement acteur, il fait quelque chose de noble, de l’art. Cet usage évaluatif est souvent présent lorsqu’on parle des artistes non-professionnels. Si mon pote José joue de la guitare comme un dieu, c’est un artiste. Sinon, José, c’est un mec qui joue de la guitare. Point. On retrouve cet usage partout dans la langue courante.
Inversement, on peut utiliser « artiste » avec une intention critique. « C’est un artiste, il est un peu… Vous voyez… Enfin c’est un artiste quoi ». Ici « artiste » joue sur le cliché de bizarrerie des artistes. Les artistes sont « à part », pas comme les gens « normaux »… et ce n’est pas un compliment. Cet usage est tout aussi répandu que le précédent.
Une série de clichés
La figure de l’artiste est l’objet de très nombreux clichés. L’artiste serait par exemple :
- séparé du commun des mortels : il n’est pas comme nous
- forcément génial : sinon, ce n’est pas un artiste
- forcément « créateur » : il est comparé à Dieu
La division artiste / non artiste est un poncif extrêmement fréquent dans les discours sur l’art. Certains insistent sur le fait que, non, l’artiste n’est pas différent des autres gens. D’autres revendiquent cette différence. Dans son Journal d’un Génie, Salvador Dali explique à quel point il est génial et séparé du reste du monde. Sauf de sa femme, Gala, qui elle aussi est géniale.
Ce cri au génie est également un cliché. Le nombre d’artistes mauvais et médiocres devrait rappeler qu’on peut être artiste sans produire quoique ce soit de qualité. Et on peut produire des chefs d’œuvres sans exubérance personnelle, par le travail, l’effort et la maîtrise de l’art.
Parler d’artiste « créateur » est un mélange entre l’aspect productif de l’art (producteur, production) et les connotations positives liés à l’artiste. Si l’artiste produit du nouveau, de l’original, de l’inédit, qu’il fait des miracles à partir de rien, il commence à ressembler à Dieu.
Artiste et artisan
Voir aussi l’article Artisan
Historiquement, il n’y a pas de distinction entre artiste et artisan. La séparation entre l’activité du peintre et du menuisier n’est pas perçue. Un premier changement intervient à la Renaissance, puis un second, définitif, au XIXe. On considère généralement l’artisan comme producteur manuel d’artefacts utilitaires, mais la distinction reste partielle.
Le point commun entre l’artiste et l’artisan est la maîtrise d’une technique, d’un art. Mais cet élément a évolué en art contemporain. La technique de réalisation n’est plus toujours possédée par l’artiste, qui peut concevoir le projet sans effectivement le réaliser lui même. Dans certains cas, l’existence même d’une technique peut être contestée (Ready made, monochrome).
L’artiste et son œuvre
La relation entre l’artiste et l’œuvre est complexe. L’œuvre ne se résume jamais à l’habilité technique de l’artiste ou à ce qu’il a voulu faire. Il y a systématiquement plus dans l’œuvre que ce que l’auteur a voulu y mettre. Certaines œuvres peuvent même tirer leur valeur de leur échec à réaliser les fins de l’artiste. C’est le cas de The Room de Tommy Wiseau : drame raté, le film a trouvé un public en tant que nanar.
Certains objets sont aujourd’hui considérés comme œuvre d’art, mais ne l’étaient pas à leur création. Quel est alors le statut de leur producteur ? Les hommes et femmes préhistoriques qui ont peint la grotte de Lascaux étaient-ils des artistes ? Le sont-ils devenus ? Si oui, pourquoi ? Si non, faut-il admettre qu’on puisse avoir des œuvres d’art sans artistes ? Certaines productions automatisées ou issues du hasard pourraient conduire à le penser.
À l’inverse, beaucoup d’œuvres mobilisent plusieurs artistes. Cinéma, théâtre, architecture : ces projets mobilisent régulièrement des dizaines d’acteurs. Tous ne sont pas artistes, mais tous participent à construire l’œuvre. Chercher l’artiste unique a qui attribuer l’œuvre a-t-il alors un sens ?
Sources utilisées
- Artiste, Dictionnaire de philosophie, Noëlla Baraquin, Armand-Colin, 2007
- Artiste, Dictionnaire de philosophie, Christian Godin, Fayard, 2004
- Artiste, Nouveau vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, Louis-Marie Morfaux, Jean Lefranc, Armand-Colin, 2005
- Artiste, Philosophie de A à Z, Collectif, Hatier, 2000