Définition de « Fait »
Fait (nom commun)
- (Courant) Ce qui est arrivé, chose accomplie.
- La juge a rappelé les faits.
- (Philosophie) Élément de la réalité effective, donné objectif.
- Les faits sont là avant qu’on fasse des théories.
Comprendre la notion de « fait »
La perspective classique
Un fait un élément objectif et lié au réel. L’objectivité est au cœur de la notion. Un fait est par définition objectif. Les dictionnaires divergent, mais on retrouve cet aspect d’objectivité dans toutes les définitions.
Le fait est un élément du réel, situé du coté de la chose. On peut ainsi opposer le fait et le sujet représentant. Le fait est indépendant de celui qui le pense ou le connaît. Il existe quelle que soit l’idée qu’en a un sujet pensant. La représentation d’un fait n’est donc pas le fait lui-même. On oppose ainsi le fait à plusieurs éléments.
- la fiction, parce qu’ elle n’est pas réelle
- l’illusion, parce qu’elle est du coté du sujet, de sa représentation trompeuse.
- la représentation, encore une fois du coté du sujet
Le fait s’apparente à un donné. Il n’est pas une construction de la pensée, mais une réalité à laquelle on accède avant toute construction intellectuelle. Les théories, les interprétations ou les hypothèses ne sont pas des faits. Ce sont des constructions, des éléments qui supposent une réflexion, une intervention d’un sujet qui va au delà du donné.
La perspective post-classique
Cette perspective traditionnelle a toutefois été contestée. Tout fait, même le plus simple, peut sembler construit. Les faits sont faits, fabriqués. Ce qu’on nomme « fait » est issu d’une construction intellectuelle.
« Le chat est sur le tapis » n’est pas un donné. Cela suppose un langage articulé d’une certaine façon. Cela suppose une idée de « chat », une idée de « tapis ». Plus complexe, il faut un concept de « chat » où le chat est quelque chose qui peut être sur le tapis. Pensez à l’inquiétude, au jaune, ou à Internet : ils ne peuvent pas être sur le tapis. Ce sont des concepts pour lesquels « être sur le tapis » n’a aucun sens. Alors que le chat, lui, peut être sur le tapis. Sur le clavier aussi. Ou devant l’écran.
Croire que le fait soit un donné est donc une erreur. Il n’y a pas de « donné », d’élément pur et indépendant du sujet. La séparation entre sujet représentant et fait objectif n’est pas tenable. Le sujet construit les faits qu’il rencontre, même s’il ne s’en aperçoit pas. Bachelard insiste sur le fait scientifique. Un fait scientifique est le produit d’une théorie scientifique. Ce n’est jamais le point de départ de la science, mais son résultat.
Autres aspects de la notion
Le fait est souvent mis en lien avec l’événement. Un événement serait un fait situé dans le temps. C’est un fait que 2 + 2 = 4, mais ce n’est pas un événement. Alors que « Le chat s’est levé du clavier » est un événement : c’est une réalité qui a lieu dans le temps.
Comme l’événement, le fait n’est une chose ou un objet. C’est une relation entre des objets. Kant n’est pas un fait, c’est un homme. La Critique de la Raison Pure n’est pas un fait, c’est un livre. Mais « Kant a écrit la Critique de la Raison Pure » est un fait. Cela exprime une relation entre deux choses (Kant et la Critique).
La notion de fait joue aussi un rôle en histoire. Si l’histoire est une science, c’est en partie parce qu’elle s’attache à des faits. Elle ne travaille pas sur des mythes ou des mensonges. Elle cherche à décrire et comprendre ce qui s’est réellement passé, ce qui a eu lieu. Les faits.
Une notion philosophique ?
La notion de fait est à la fois courante et philosophique. Pourtant la spécificité de l’usage philosophique est difficile à percevoir. Il ne semble pas avoir de définition philosophique unanime de « fait ». On identifie bien des usages particuliers chez certains auteurs (Nietzsche, Wittgenstein), mais pas de notion claire partagée par tous.
Le concept gagne en importance au 19e siècle, mais son usage s’affaiblit passé premier 20e siècle. La notion de fait rencontre plusieurs difficultés qui vont être soulevée au 20e et conduire à son délaissement :
- les faits semblent construits
- il est difficile d’identifier un fait, de compter des faits
- séparer un fait de la proposition qui l’exprime est problématique
Combien y-a-t-il de faits devant vous ? Un ? Trente ? Une infinité ? « Mon chat noir est sur le tapis » est-il un fait, deux ou plus ? On pourrait dire que « Le chat est noir » est un fait et que « Le chat est sur le tapis » en est un autre. « Il y a un chat qui est le mien » et « Le chat qui est le mien est celui-ci » sont encore deux faits.
« Mon chat noir est sur le tapis » est-il alors un fait, qui correspond à une proposition ? Ou est-il un ensemble de plusieurs faits ? À savoir « Le chat est noir » + « Le chat est sur le tapis » + « Il y a un chat qui est le mien » + « Le chat qui est le mien est celui qui est sur le tapis ». Bref, les faits sont rebelles.
De plus, la séparation entre le fait et la proposition n’est pas nette. Un fait s’exprime dans une proposition. Mais où se trouve la distinction entre proposition et fait ? Tous les faits dont on a parlé sont des propositions. On les exprime par le langage. Mais on ne peut pas montrer un fait. Son existence tient dans des mots. Le fait pourrait alors n’être que le fantôme de la proposition. Tout ça est très schématique.
Personnellement, je tends à croire que « fait » est une notion courante, utilisée comme telle en philosophie. Mais que les philosophes ont oublié l’origine du concept. Ils imaginent une notion philosophique de fait là où il n’y en a a pas. Et ils veulent une définition. Je maintiens deux sens de « faits » par calque de mes sources. Mais il n’est pas démontré qu’il y ait un sens philosophique authentique. Cela pourrait bien provenir d’une distinction de trop.
Sources utilisées
- Fait, Dictionnaire de philosophie, Noëlla Baraquin, Armand-Colin, 2007
- Fait, Dictionnaire de philosophie, Christian Godin, Fayard, 2004
- Fait, Dictionnaire des concepts philosophiques, Michel Blay, Larousse-CNRS, 2007
- Fait, Nouveau vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, Louis-Marie Morfaux, Jean Lefranc, Armand-Colin, 2005
- Fait, Philosophie de A à Z, Collectif, Hatier, 2000